Un partenariat opportun
Une mission médicale en Moldavie s'adapte à une pandémie – et à une guerre
« Steve, a-t-il dit, j'ai besoin que tu viennes avec moi en Moldavie. »
« Très bien, répondit Stephen. Où se trouve la Moldavie ? »
La Moldavie, bien sûr, est un pays d'Europe de l'Est et une ancienne république soviétique située entre la Roumanie et l'Ukraine. La visite de M. Mackler allait déboucher sur une série de subventions mondiales de la Fondation Rotary et sur des améliorations significatives du programme de soins infirmiers obsolète de la Moldavie – et cette entreprise allait se poursuivre malgré la pandémie mondiale et le déclenchement de la guerre.
Revenons à l'année 1999. Pendant son séjour en Moldavie, M. Mackler a visité plusieurs hôpitaux et est rentré chez lui aux États-Unis bouleversé par ce qu'il avait vu, notamment le nombre de personnes souffrant de maladies liées à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Heureusement, Stephen Mackler, parodontiste et professeur vacataire à la faculté dentaire de l'université de Caroline du Nord, était également membre du Rotary. Il avait rejoint le Rotary club de Guilford (Greensboro) en 1995 après une précédente mission médicale – cette fois dans la jungle du Brésil – où il avait vu le Rotary en action. Il savait donc exactement où s'adresser.
Il a contacté un ami Rotarien qui lui a parlé d'un partenariat récemment formé entre la Moldavie et l'État de Caroline du Nord. Ce partenariat est le fruit d'un programme, initialement de nature militaire, promu par le ministère de la Défense des États-Unis pour encourager la coopération entre les États américains et les anciennes républiques soviétiques. Il a rencontré Elaine Marshall, secrétaire d'État de la Caroline du Nord (Mme Marshall occupe toujours ce poste aujourd'hui et est une pionnière du partenariat entre la Moldavie et la Caroline du Nord), et en 2000, il s'est rendu en Moldavie pour prodiguer des soins dentaires. « Nous y sommes retournés chaque année, dit-il, et nous avons fait ce que [les dirigeants du secteur de la santé moldave] voulaient que nous fassions. Nous bâtissions donc une confiance solide, ce qui est la première chose à faire. »
Au fil des ans, il a recruté d'autres professionnels dentaires ainsi que certains de ses étudiants pour l'accompagner dans ces voyages qui étaient financés en partie par des contributions de son Rotary club. Ces recrutements ont souvent eu lieu dans son cabinet de Caroline du Nord, et en 2006, une infirmière a été l'une de ses patientes. Très vite, elle est devenue elle aussi membre de son équipe et a commencé à recruter d'autres infirmiers qui pourraient contribuer à la modernisation du système médical moldave.
« La Moldavie avait des écoles d'infirmiers que des jeunes étudiants fréquentaient dès la fin de leurs études secondaires, explique-t-il. Mais il s'agissait plutôt d'infirmiers auxiliaires, qui changeaient par exemple les bassins de lit. » Qui plus est, la Moldavie ne disposait pas des normes réglementaires appliquées aux infirmiers dans la plupart des pays industrialisés.
M. Mackler et son équipe de professionnels de santé bénévoles ont entrepris de remédier à cette situation. Une fois de plus, il a reçu l'aide de son club de Guilford, ainsi que du district 7690 (Caroline du Nord), qui a fourni une subvention de district. En collaboration avec l'Association des infirmiers de la République de Moldavie, l'équipe a cherché à développer un programme de base en soins infirmiers professionnels pour l'Université d'État de médecine et de pharmacie Nicolae Testemițanu dans la capitale moldave, Chișinău. La Fondation Rotary a accordé à l’action sa première subvention mondiale en 2015, le Rotary club de Chișinău Cosmopolitan étant le club parrain local et le club de Guilford le parrain international ; pour les trois subventions mondiales qui ont suivi, le Rotary club de Chișinău Centru a été le club parrain local.
À mesure que l’action s’est développée et a évolué, M. Mackler s’est concentré sur la recherche de fonds et le recrutement du personnel qualifié. Il a fini par confier la direction des questions médicales à une équipe de formation professionnelle de 15 personnes, connue aujourd'hui sous le nom de North Carolina-Moldova Nursing Collaborative (Collaboration pour infirmiers de Caroline du Nord et de Moldavie). Comme il le dit lui-même : « J'ai dit à mon épouse : ‘Tu sais, je n'ai pas l'habitude de travailler avec des infirmiers’. Elle m'a répondu : ‘Steve, ils prendront les choses en main’. Et c'est exactement ce qu'ils ont fait. »
L'équipe de formation comprenait des professionnels de la santé et des formateurs de plusieurs écoles de Caroline du Nord. Parmi eux, figuraient trois acteurs clés de l'Université de Caroline du Nord à Greensboro : la cheffe d'équipe Deborah Lekan, professeure vacataire de soins infirmiers à la retraite ; Audrey Snyder, professeure et doyenne pour l'apprentissage par l’action et l'innovation ; et Nancy Hoffart, professeure émérite du Forsyth Medical Center à la retraite et responsable de l’action de la dernière subvention mondiale du groupe de collaboration. Je décrirais ces personnes comme « dévouées » et « dynamiques », dit M. Mackler. « Elles prennent beaucoup de leur temps libre pour aider. »
« Grâce au partenariat, nous avons pu proposer des études supérieures pour former des infirmiers et les diplômer, explique Elena Stempovskaia, présidente de l'association des infirmiers de Moldavie. Les étudiants peuvent aussi poursuivre leurs études en master et en doctorat. Toutes ces activités ont contribué au développement de la profession et à l'amélioration de la qualité des soins. »
En quelques chiffres
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343 000 $
Montant des subventions mondiales de la Fondation Rotary accordées à North Carolina-Moldova Nursing Collaborative
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1 117
Nombre de Moldaves formés par le groupe depuis octobre 2022
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10
Nombre de webinaires conçus par la Collaboration pour discuter des soins adaptés aux traumatismes et d'autres questions médicales soulevées par l'afflux de réfugiés ukrainiens en Moldavie
Il y a deux ans, après avoir réévalué ses stratégies et ses objectifs, le groupe a commencé à préparer le terrain pour ce qui allait devenir sa quatrième et plus importante subvention mondiale : un legs de 197 400 dollars rendu possible en partie grâce à des dons de 150 000 dollars à la Fondation Rotary d’Eugene Parker, membre du club de Guilford, et de son épouse Margaret.
Dans le même temps, le groupe prévoyait de poursuivre l'échange de visites entre les deux pays qui, depuis 2014, avait permis à des délégations d'infirmiers et d'autres professionnels de la santé d'enseigner et de se former en présentiel. Le dernier échange a eu lieu il y a trois ans, lorsque l'équipe de Caroline du Nord s'est rendue en Moldavie, suivie d'une visite au cours de laquelle les médecins moldaves ont pu observer des infirmiers américains au travail. Après cette séance, les médecins « bouillonnaient, raconte Mme Hoffart. Ils ont commencé à comprendre que le fait d'avoir des infirmiers mieux formés, disposant d'une plus grande autonomie et d'un champ d'exercice plus large, pouvait les aider et améliorer les soins qu'ils prodiguaient aux patients. C'était donc une visite vraiment géniale. »
C'était aussi la dernière visite, car le COVID-19 a interrompu les échanges en personne. Le travail de sensibilisation s'est toutefois poursuivi. En Caroline du Nord, les membres de la Collaboration ont produit des présentations et des webinaires qui ont fourni à leurs homologues d'Europe de l'Est des conseils sur la façon de faire face à la pandémie – et, une fois traduites en roumain (la langue officielle de la Moldavie) et en russe, les diapositives et les vidéos ont pu être distribuées à un public plus large que ne le permettaient les échanges en personne.
« Les webinaires organisés pendant la pandémie nous ont donné les meilleurs enseignements sur la manière de [répondre au COVID], affirme Mme Stempovskaia. Nous avons organisé six webinaires au niveau national, auxquels jusqu'à 600 infirmières ont participé à chaque fois. Mais comme les webinaires étaient enregistrés, nous les avons transmis à tous les établissements médicaux du pays, où chaque infirmière a eu la possibilité de participer. »
L'approche du webinaire s'est également avérée efficace lorsque la guerre a éclaté en Ukraine et que les réfugiés ont commencé à affluer en Moldavie. « Nous avons été capables de nous retourner et de réorienter nos [efforts] vers quelque chose qui répondait aux besoins immédiats en matière d'éducation », explique Nancy Hoffart.
« La guerre en Ukraine a causé de nombreuses complications que les infirmiers moldaves n'avaient jamais connues auparavant, déclare Mme Stempovskaia. Avec nos collègues de Caroline du Nord, nous avons choisi les sujets importants et organisé dix webinaires qui ont également été diffusés sur YouTube, le web et Facebook », ce qui a permis d'étendre leur portée.
« Les subventions mondiales avaient eu un impact important, notamment pendant la pandémie et maintenant pendant la guerre en Ukraine, ajoute Irina Rusanovschi, membre du Rotary club de Chișinău Centru. La guerre nous affecte également car les Ukrainiens sont nos voisins, et nous essayons de les soutenir dans cette période difficile. Nous avons de nombreux centres de réfugiés, et toute aide est la bienvenue. »
« Nous tenons à remercier sincèrement tous nos partenaires en Caroline du Nord, déclare Elena Stempovskaia. Ils ont un grand cœur et ont réalisé tellement de belles choses pour notre pays, pour notre peuple et pour nos infirmiers. »
En juin, avec l'aide de la Collaboration parrainée par le Rotary, l'Université d'État de médecine et de pharmacie de Chișinău a diplômé sa première promotion d'étudiants ayant obtenu une licence en soins infirmiers ; les diplômés ont été déployés dans les hôpitaux du pays pour partager leur expertise. Les membres de la Collaboration ont quant à eux hâte de reprendre les échanges entre les deux pays. À la suite d'un récent webinaire, après avoir conclu sa conférence de 45 minutes, Deborah Lekan – qui a rejoint le club de Guilford (Greensboro) en 2017 – s'adresse à son public en ligne. « Je vous souhaite une bonne santé et beaucoup de succès dans votre entreprise, déclare-t-elle. J'attends avec impatience de me rendre en Moldavie et j'espère que nos chemins se croiseront. » Sans aucun doute.
Cet article est tiré du magazine Rotary magazine.