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Stigmatisation et superstition, un cocktail explosif.

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Persécutées, tuées, démembrées pour alimenter un sinistre commerce ou exclues de leur communauté, les personnes albinos en Tanzanie trouvent de l'aide auprès du Rotary et de soeur Martha. 

 

 

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Nous sommes en pleine après-midi à Nyamizeze, en Tanzanie.

Mieux connue sous le nom de Soeur Martha, Martha Mganga, une dame de 54 ans est l'une des figures de proue du pays luttant pour les droits des personnes albinos qui sont rejetées et persécutées. Héritières d'une maladie génétique, les personnes albinos connaissent une dépigmentation de la peau, des cheveux et une défaillance oculaire.

Mganga, une personne albinos, a pendant trente ans tenté d'aider cette population à bénéficier d'une éducation, de soins de santé et à lutter contre les stigmatisations et superstitions qui conduisent à des atrocités.  

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Saada Kaema possède deux commerces, une fabrique de savons et un magasin de chaussures de sports et de pots de cuisine. « Ma maman peut tout faire », dit sa fille Mary, qui travaille avec elle.  

Depuis plus de dix ans, ces superstitions ont conduit à d'effroyables assassinats, des actes de démembrements et des braquages. Au moins 76 Tanzaniens albinos ont été tués ; 72 ont survécu mais portent encore les traces de profondes mutilations.

Aujourd'hui, Mganga fait partie de l'équipe d'animateurs d'activités de soutien du Rotary, installés sous une bâche en plastique avec un petit groupe de villageois.

De nombreuses personnes participent : la plupart, des chefs religieux et communautaires, sont habillés d'une chemise effilochée, et deux autres albinos sont présents, Happiness Sebastien, 24 ans, et son nouveau-né, Keflin.

La Rotarienne Faye Cran tenant la fille de Happiness Sebastien (à gauche) dans ses bras, lors de la journée de sensibilisation dans la région de Mwanza.  

La discussion a pour objectif de sensibiliser à la cause des albinos, démystifier leurs particularités et promouvoir leur bien-être. La discussion a évoqué la génétique, les récentes attaques et les nombreux mythes qui frappent les albinos. 

Un villageois rapporte que, dès l'enfance, on lui a enseigné que l'albinisme est considéré comme une malédiction apportée par des esprits démoniaques, ou que c'est le fruit de l'union entre une femme noire africaine et un homme blanc.  

« Les albinos ne meurent pas, ils disparaissent », déclare un autre.

Mganga, prenant la parole vers la fin de la séance, garde ses mots pour ce qu'elle croit être le message le plus important de la journée : 

En plus de toutes les horreurs commises, elle explique au groupe que les albinos courent un grand danger par l'exposition au soleil en raison du faible niveau de mélanine, un pigment qui donne à la peau, aux cheveux et aux yeux, leurs couleurs. Cela les prive de leur protection naturelle contre les rayons ultra-violets, et peut entraîner leur mort. 

La population n'a pas connaissance des mesures de protection contre les UV. Le nombre de cancers est alarmant. Selon l'organisation canadienne Under the Same Sun, quasiment tous les albinos en Tanzanie développent de dangereuses lésions précancéreuses autour de l'âge de 20 ans. Beaucoup d'entre eux meurent vers 40 ans. Aujourd'hui cependant, l'espérance de vie augmente grâce à la prise de conscience des risques liés au soleil et à de meilleurs traitements médicaux. Les personnes albinos vivant dans des régions éloignées n'ont toutefois pas encore accès à toutes les informations.

Mganga, prodigue au group des conseils d'importance vitale : toujours rechercher des abris ombragés surtout aux heures les plus chaudes et se couvrir suffisamment pour se protéger du soleil. Conseils que découvrent Sebastien, venue habillée d'un simple tee-shirt à manches courtes et d'un short laissant une bonne partie du corps exposé aux rayons du soleil. À titre d'exemple, Mganga montre ses vêtements : une blouse qui couvre ses bras, son cou et ses épaules, une jupe longue et un chapeau à l'effigie du Rotary. 

« Le soleil est notre pire ennemi », dit-elle avant le spectacle de dance et la présentation d'une vidéo de sensibilisation. « Il ne devrait pas y avoir autant de morts parmi nous ».

Superstitions et science

La science explique les caractéristiques qui causent l'albinisme. Pour elle, c'est très simple : des personnes naissent avec plusieurs gènes ayant muté, modifiant ainsi la production de mélanine.

  • 33000.00+

    Personnes atteinte d'albinisme en Tanzanie

     

  • 76.00

    personnes atteintes d'albinisme ont été assassinées depuis 2000 en Tanzanie

     

  • 72.00

    personnes albinos ont survécu à leur agression depuis 2000 en Tanzanie.

L'albinisme oculo-cutané affectant la peau, les yeux et les cheveux (à différencier de l'albinisme oculaire qui ne touche que les yeux) est une pathologie héréditaire autosomique, indiquant que les gènes dupliqués ont muté et que les deux parents portent le gène qui a été transmis à l'enfant. Si la mère et le père non albinos sont tous deux porteurs du gène, la probabilité que leur enfant soit albinos est de 25 %. 

Globalement, l'albinisme oculo-cutané affecte environ 1 personne sur 20 000. Dans plusieurs partie d'Afrique, le taux de personnes atteintes est plus élevé. 

Murray Brillant, généticien installé dans le Wisconsin et un des plus éminents experts sur l'albinisme, estime qu'en Tanzanie, une personne sur 1 400 est albinos et 1 personne sur 19 est porteuse du gène. La majorité des albinos, selon ses recherches, peuvent retracer leurs gènes sur des générations allant jusqu'à 2 500 ans.

Malgré ces chiffres, les albinos en Tanzanie continuent de subir la stigmatisation.

Pendant longtemps, les parents d'enfants albinos tuaient systématiquement leur nouveau-né à la naissance, préférant qu'ils subisse une mort expéditive plutôt que d'endurer toute une vie de souffrance et de honte, que leur aurait apporté l'enfant. 

Quand la chrétienté s'est répandue dans la culture du pays, ces pratiques se sont considérablement atténuées mais le mythe et la discrimination ont perduré. 

Mganga, qui est la première enfant albinos née dans une famille de parents non albinos, se souvient de son enfance vécue dans l'exclusion.

Qu'est-ce que l'albinisme ?

L'albinisme est une particularité génétique héréditaire qui se transmet par les gènes des parents. Il y a deux sortes d'albinisme : 

  • L'albinisme Oculo-cuntané: Faible taux de pigmentation des yeux, des cheveux et de la peau
  • L'albinisme oculaire : Faible niveau de pigmentation des yeux.

Les voisins médisaient à propos de sa famille et elle s'était fait peu d'amis. Un professeur, même ayant eu connaissance de ses problèmes oculaires - dus au faible taux de pigmentation dans la rétine et l'iris - l'avait installé au fond de la classe, ce qui avait eu comme conséquence évidente, l'échec de sa scolarité. 

À l'âge de 17 ans, après s'être enfuie pour éviter un mariage arrangé avec un fiancé polygame, Mganga a tenté de se donner la mort. Mais le courant de la rivière qu'elle avait choisi comme tombeau en a décidé autrement. Elle lui a proposé un autre destin : un diplôme en théologie, puis un travail dans une mission anglicane pour finir à la tête de sa propre organisation non gouvernementale, Albino Peacemakers. Partenaire du Rotary et basée dans sa ville natale d'Arusha, son ONG a pour but de sensibiliser les communautés et les familles sur les conditions des personnes albinos, de soutenir la scolarité des enfants atteints du syndrome et de leur faciliter l'accès au dépistage du cancer de la peau.

Une vague de violence

Mganga a trouvé le moyen de survivre. Cependant, les conditions de la communauté des albinos restent dramatique. 

Début 2007, des recherches ont révélé que les albinos, surtout les enfants, sont persécutés pour être démembrés. Ces atrocités sont commises principalement dans le nord-ouest du pays, mais aussi dans les régions des deux plus grands lacs : Victoria et Tanganyika. 

Bien que la croyance selon laquelle la chair des albinos possède des pouvoirs mystiques n'ait rien de nouveau, la découverte de nouvelles mines d'or et de diamants dans la région ne fait qu'accroître les risques de violences à l'encontre des albinos, affirme Fred Otieno, professionnel de l'éducation populaire à l'Africa Inland Church of Tanzania et facilitateur à Nyamizeze. 

De riches investisseurs sont prêts à tout pour faire fortune. Du simple citoyen jusqu'au médecin local, on flaire « l'aubaine » et on recrute des malfaiteurs pour kidnapper des albinos afin de s'emparer de leurs « vertus magique ».             « Le monde du commerce et de la politique est très enclin aux superstitions. Si tu as un morceau de chair d'un albinos, tu seras couverts d'or. Beaucoup sont prêts à tout pour cela ».

Neema Kajanja, une potière de 37 ans, a un fils, Baraka. Il dit toujours s'inquiéter pour sa maman, mais que « la situation s'est améliorée ».  

Des journalistes locaux ont révélé que ces macabres croyances dévoilaient une crise plus profonde et généralisée.

Au risque de sa vie, la reporter Vicky Ntetema a filmé un médecin adepte de la magie noire en train d'essayer de lui vendre des fragments du corps d'une personne atteinte d'albinisme - les recherches du journaliste percent à jour l'existence d'un vaste trafic organisé.

Un rapport datant de 2009 réalisé par la Fédération internationale de la Croix-rouge et du Croissant-rouge, a découvert l'existence  d'un véritable marché complet d'organes dans la ville de Dar es Salaam (chair, yeux, oreilles, parties génitales, nez), mis en vente pour 75 000 dollars US - une somme astronomique dans un pays où le PIB par habitant est de moins de 1 000 dollars par an.

Son rapport révèle également que 300 enfants albinos (abandonnés ou délaissés) sont scolarisés dans des écoles spécialisées pour personnes handicapées. Le gouvernement avait encouragé leurs familles à les y inscrire pensant y trouver une forme de refuge. Le rapport montre aussi qu'un grand nombre de personnes albinos prennent domicile autour de bureaux de police ou d'églises, vivant en permanence dans la peur.

Ces dernières années, le nombre d'assassinats a diminué, en raison notamment de la vigilance accrue des autorités gouvernementales. 

Depuis 2008, la cour de justice de Tanzanie a condamné au moins 15 individus à mort pour leur responsabilité dans le meurtre de plusieurs personnes albinos. La police a arrêté plus de 200 praticiens de médecine traditionnelle non assermentés. Parmi eux, des guérisseurs soupconnés d'avoir commis des actes de violence. Les pouvoirs publics à tous les niveaux, agissant au nom du premier ministre, ont créé des commissions de défense, de sécurité et de surveillance pour les albinos. 

Projectus Rubanzibwa, un responsable du bureau régional de Mwanza, déclare que les autorités sont devenues « plus sérieuses », en ajoutant que les citoyens ordinaires, eux aussi, jouent un rôle important dans l'identification de tels trafiquants d'êtres humains.

Under the Same Sun, possède une base de données rapportant les crimes commis à l'encontre des personnes albinos en Afrique : assassinats, agressions, braquages. Selon l'organisation, aucun meurtre n'a été signalé en Tanzanie depuis février 2015. Le dernier cas était un garconnet d'un an tué et démembré dans la région de Geita, pas loin de Nyamizeze. Cette liste reste toutefois incomplète considérant le faible taux de personnes qui signalent les faits.

Partout ailleurs, la crise s'est intensifiée.

Dans les régions avoisinantes du Malawi, au moins 18 albinos ont été tués depuis 2014 ; une hécatombe dont le gouvernement Malawite a condamné les agissements. En Tanzanie, les acteurs du changements, dont Otieno fait partie, restent inquiets des enfants albinos vivant dans des camps dit de protection, ou dans des écoles spécialisées pour personnes handicapées ; des lieux censés les protéger... mais pour combien de temps ?

Ces mesures sont de vraies « bombes à retardement », dit-il. Ces institutions renforcent les discriminations contre les albinos. « Elles nourrissent la stigmatisation, les préjugés, et le dogme selon lequel aucun d'entre nous (les albinos) n'est un être humain ordinaire ».

Entrer au Rotary

À plusieurs centaines de kilomètres de Nyamizeze, au-delà des immenses plaines de Serengeti et à l'ombre du volcan Mont Meru, Faye Cran, depuis sa véranda, se souvient combien sa collaboration avec le Rotary a été précieuse pour aider les albinos.

Née en Angletere pendant le Seconde Guerre mondiale, Cran, maintenant âgée de 76 ans, s'était installée dans l'Est de l'Afrique avec sa famille quand elle était encore enfant. Depuis, elle est restée et elle a développé un commerce d'élevage de poulets, devenu un empire en Tanzanie. Surnommée « Maka Kuku » (« la maman des poulets » dans la langue locale, le swahili), elle est aussi une des Rotariennes les plus engagées en Tanzanie. Membre du Rotary club de Moshi, elle a servi comme gouverneure, responsable Fondation de son district et comme contact principal de neuf projets de subvention mondiale, sans compter plus de deux douzaines de demandes de subventions et d'actions de club. 

Elle a aussi été un véritable moteur dans la création du Upendo Leprosy Victims Rehabilitation and Self Reliance Centre, en 1996, organisation qui fournit des abris et qui soutient les enfants et les adultes atteints de la lèpre, et exclus eux aussi, de leur communauté.

Les subventions du Rotary soutiennent les évènements de sensibilisation aux personnes albinos en Tanzanie. 

Le travail de Cran avec les albinos tanzaniens a commencé en 2011. Elle voyageait avec Alan Suttie, un Rotarien du club de Kirkcaldy en Écosse. Elle a rencontré un jeune homme albinos qui avait survécu à de brutales agressions à l'issue desquelles ses assaillants lui avaient tranchés son bras gauche et sa main droite, le laissant meurtri à vie.

Suttie, le directeur d'une organisation de soutien aux aveugles, située en Écosse, était déjà impliqué dans des activités d'aide aux étudiants malvoyants, notamment albinos, pour ensuite venir en Tanzanie bien déterminé à défendre leur cause. 

En partenariat avec Cran et d'autres Rotariens tanzaniens, son club a distribué dans toutes les écoles primaires du pays, un livre pour enfant qui raconte l'histoire d'une jeune fille dont la soeur, atteinte d'albinisme a été assassinée.

D'autres projets ont vu le jour par la suite, dont deux d'entre eux entre 2013 et 2014 : « Sensibilisation à la cause albiniste et aux défaillances oculaires en Tanzanie » coordonné par Cran et Suttie, et « Soutien aux personnes albinos en Tanzanie », dirigé par Cran et John Philip de Mirfield (Angleterre). 

Ces projets ont eu un impact sur quasiment tous les aspects des problèmes que rencontre la population albinos.

Les actions entre clubs de différents districts ont soutenu les étudiants albinos : don de matelas, de draps, de chapeaux, de lunettes et de crèmes solaires. Des aides à l'emploi ont également été proposées aux populations albinos vivant dans des villages éloignés.

Les subventions visant à soutenir la vision des albinos, permettent aussi à des optométristes venus d'Écosse de former les professionnels locaux, à Arusha.

Leur école d'optométrie, Patande Teachers Training College, a depuis, la possibilité de proposer des dépistages, donner des lunettes de vue et parfois, des verres téléscopiques à plus de 300 jeunes albinos malvoyants.

Le projet, actif depuis 2015, est dédié à l'éducation. Il aide plus de 70 communautés à sensibiliser à la cause des albinos, et à former des partenariats entre albinos et guérisseurs traditionnels. Le but est d'anéantir les mythes qui conduisent à des actes de violence extrême.

Le Rotary est aussi engagé dans la prévention et les traitements contre le cancer, en proposant des formations professionnelles aux travailleurs de la santé et en fournissant des équipements médicaux.

Dans cinq hôpitaux de Tanzanie, le Rotary a fournit des outils de cryothérapie permettant la destruction de lésions pré-cancéreuses avant qu'elle ne deviennent mortelles. 

Chaque patient montrant les symptômes du cancer à la suite d'une biopsie est renvoyé au centre de recherche contre le cancer, le Ocean Road Cancer Intitute à Dar es Salaam. The Tanzanian Albinism Society, un groupe national de défense des albinos, et Standing Voice, une organisation britannique qui soutient les communautés marginalisées, aident à réduire les coûts des traitements contre le cancer.

Neema Kajanja, une habitante de Ukurerwe et potière depuis 18 ans, a augmenté sa production avec des équipements offerts par le Rotary. 

Travailler malgré les dangers liés au soleil

Combattre le cancer ne se fait pas seulement à l'aide de traitements médicaux.

Se protéger du soleil en se couvrant la peau fait partie des traitements préventifs, comme rester autant que possible dans des lieux de vie protégés du soleil. Chose pas toujours accessible dans les pays à zones rurales et tropicales prédominantes comme en Tanzanie, où les populations travaillent surtout à l'extérieur. 

Pendant la journée de sensibilisation à Nyamizez, un des participants a demandé comment une personne albinos travaillant dans les champs pouvait survivre au soleil, alors que beaucoup d'albinos malvoyants ne peuvent pas suivre une scolarité normale.

Leurs chances d'obtenir un travail de bureau les protégeant des rayons UV est quasiment nulle.

Cette situation est critique sur l'île de Ukurerwe qui compte 300 000 habitants dans le sud-ouest du lac Victoria. On peut y accéder uniquement par bateau. Lîle est connue pour être un refuge aux personnes albinos quelle que soit l'ampleur des pics de violence.

Ce sentiment d'exclusion était toujours présent. Donc ce que nous voulions faire était d'encourager l'implication d'un plus grand nombre de personnes albinos dans ces projets. 


Rotary Club de Moshi

La communauté albinos fait face à de nombreuses souffrances, notamment celle de vivre dans la pauvreté. « 80 % des travailleurs ici sont des fermiers ou des pêcheurs, dit Ramaghan Alfani, un mecanicien local et dirigeants de district à la Société des albinos de Tanzanie. Mais pour nous, ces métiers sont trop difficiles. Quand je reste sous le soleil trop longtemps, ma peau change ».

L'entreprise d'Alfani, installée à l'ombre bienveillante d'un arbre géant, le linga linga, est le type d'entreprise que les albinos peuvent lancer pour avoir une vie normale. Cela leur permettrait de vivre plus longtemps et d'être indépendant financièrement. 

Grâce aux équipements offerts par le Rotary, il a pu développer son entreprise et son réseau de clientèle, ce qui lui a permis de créer de l'emploi et de soutenir sa famille. Alfani compte parmi la douzaine d'albinos auto-entrepreneurs dans le nord-est de la Tanzanie ayant bénéficié d'aides financières. 

Dans la région d'Arusha, le Rotary a financé l'approvisionnemnet de machines à coudre pour un groupe de couturières albinos, à l'issue d'un projet lancé avec l'organisation de Mganga, Albino Peacemakers. Dans la ville de Musoma, les Rotariens proposent des prêts pour aider des associations locales dont les bénéficiaires sont des personnes albinos souhaitant travailler à leur compte. Des entreprises nouvelles se sont créées, comme des salons de beauté ou des magasins de vêtements. Ces fonds ont aussi permis de les former à l'entrepreunariat, à la comptablilité, aux métiers bancaires et à l'apprentissage de la finance.

Aussi, le projet cherche à casser les stigmatisations en appellant les communautés à employer les albinos comme collaborateurs au sein de leurs entreprises. « Ce sentiment d'exclusion était toujours présent, dit Cran. Donc ce que nous voulions faire était d'encourager l'implication d'un plus grand nombre de personnes albinos dans ces projets ».

En marche vers le progrès

Comme toute initiative qui cherche à faire évoluer les mentalités, ces activités professionnelles rencontrent quelques obstacles. 

Contrairement à Alfani, Neema Kajanja, potière qui elle aussi avait recu du matériel de la part du Rotary, dit qu'elle a récemment vu son salaire diminuer en raison d'une conjoncture économique défavorable, ce qui signifiait alors trouver une autre source de rémunération : la vente de ses produits dans la rue, sous les rayons criminels du soleil. 

À Musoma, un an après le lancement du programme de microcrédit, trois des cinq petits commerces ont progressé et remboursent aujourd'hui leurs crédits. Un groupe a échoué en raison de la fuite d'un des membres avec l'argent du prêt. Un autre a cessé les opérations quand son dirigeant du Tanzanian Albnism Society est décédé des suites d'un cancer de la peau.

Le Rotarien Deogratis Ibunga Wegina (à droite) gère des programmes de microfinancement à Musoma dont peuvent bénéficier les personnes albinos, comme le salon de coiffure que possède Helen Paul.  

Cependant, pour la majorité des entrepreneurs, leur entreprise a joué un rôle crucial dans la lutte contre la stigmatisation des albinos, fait confirmé par les parties prenantes de tout le pays.

Selon Cran, le sentiment de peur et les actes d'exclusion à l'égard des albinos ont considérablemet évolué vers l'acceptation. Une évolution de l'ensemble de la population, au point d'élire en 2008, trois personnes albinos au Parlement de Tanzanie.

Alfani et Helen Paul, co-propriétaire d'un salon de coiffure à Musoma, dit que sa « condition d'albinos » ne lui a pas coûté de clients.

Saada Kaema, bénéficiaire d'un crédit pour créer son magasin de chaussures de sport, affirme que les personnes venant de milieux ruraux évitent de rentrer dans son magasin mais qu'avec le temps, elles ont commencé à acheter ses produits. Comme la plupart des albinos dans la région, elle reste vigilante et fait attention à sa sécurité contre d'éventuelles agressions. 

À Nyamizeze, des progrès se font également sentir. Comme des centaines d'actions de sensibilisation réalisées sur le terrain, dans le film People Like Us, quelques personnes reconnaissent avoir beaucoup appris grâce à de simples ateliers de sensibilisation.

Peter Misungui, le chef de la sécurité du village, insiste sur le fait que sa communauté n'a jamais adhéré aux superstitions. Ses cinq gardiens qui patrouillent la nuit, ajoute-il, ont toujours assuré la sécurité des albinos dans le quartier. 

« Seuls, nous sommes limités. Mais ensemble, nous sommes capables de déplacer des montagnes », a t-il affirmé. 

Quand d'autres problèmes sont abordés au sujet de la sécurité des personnes albinos, Misungi et son ami Daudi Matagana admettent qu'ils ont appris plus de choses grâce aux séances de sensibilisation. 

Cette révélation peut jouer un rôle critique pour Sébastien et sa fille, deux habitants du village.

« Nous saurons faire en sorte qu'elle ne soit pas surmenée, et qu'elle puisse se préserver du soleil le plus possible, nous dit Matagane à propos de sa maman. À son âge, nous ferons tout notre possible pour la protéger ».

Aidez-nous à sauver des vies 

  1. Martha Mganga, appelée « Soeur Martha », était considérée comme un fléau pour sa famille. Ell a tenté de mettre fin à ses jours plusieurs fois, avant de se sentir happée par un autre destin : promouvoir la paix par la compréhension mutuelle. Depuis, elle a consacré sa vie à aider les personnes atteintes, comme elle, d'albinisme.  

  2. Rehema Abdallah (à gauche) et son associée Zulfa (à droite) possèdent un magasin de produits divers et variés. Les deux femmes ont pu ouvrir leur propre commerce grâce à une subvention du Rotary qui avait pour objectif de promouvoir la collaboration professionnelle entre personnes albinos et non albinos, dans le but de réduire les préjugés affectant les conditions de vie des albinos.    

  3. David Lukumay vit avec sa maman et ses cinq frères et soeurs parmi les Massaï en dehors d'Arusha en Tanzanie, et travaille dans les champs de fleurs sous le soleil. Quand on lui demande s'il souhaite se marier, il sourit et rétorque « D'abord une maison, ensuite une épouse ». David est le seul albinos de sa famille.  

  4. Elizabeth Juma est co-propriétaire du salon de beauté Tesha Hair Beauty sur l'Ile de Ukurerwe, territoire connu pour être le refuge des albinos depuis la forte vague de violence à leur encontre, commencée en 2008.    

  5. Keflin Clement est suffisamment couvert pour se protéger du soleil. La maman de Keflin, Happiness, avait découvert les dangers du soleil grâce à des sessions d'éducation populaire soutenues par les subventions du Rotary.    

  6. Elias Chacha veut devenir médecin. Ses parents lui ont rendu visite à l'école primaire de Mitindo où il a trouvé refuge. Le Rotary y a fait un don de 44 lits, 88 matelas, des chapeaux, des tubes de crème solaire et des loupes pour les étudiants ayant des déficiences oculaires.    

  7. Ramadahan Alfani travaille à son compte comme mécanicien. Il est aussi père de famille et dirige la Tanzanian Albino Society sur l'Ile de Ukurerwe.